Adémar de Chabannes, le polémiste





Limoges à l'An Mil se trouve au coeur d'une polémique très vive, ayant pour objet l'apostolicité de saint Martial, évangélisateur et premier évêque du Limousin, saint patron d'une puissante abbaye. Si l'on s'accorde aujourd'hui à penser que l'évangélisation du Limousin remonte à la fin du IIIe ou au début du IVe siècle, la légende, forgée au cours des siècles, a longtemps entretenu le doute à ce sujet.

La première légende de saint Martial, dite Vita Antiquior, a été rédigée à l'époque carolingienne : assez brève, elle fait de Martial un contemporain de saint Pierre, envoyé de Rome par ce dernier. La seconde légende de saint Martial, dite Vita Prolixior, remonte à la fin du Xe ou au début du XIe siècle : Martial est devenu parent de Pierre, il participe à la vie publique du Christ, notamment au Lavement des pieds.

L'idée de faire de saint Martial un apôtre du Christ émane probablement de l'abbaye, soucieuse de préserver sa prééminence, à l'heure où les églises revendiquent les reliques des saints les plus puissants : c'est à cette époque que l'on découvre à Angély le chef de saint Jean-Baptiste dont le culte risque de faire ombrage à celui du saint limousin et de concurrencer dangereusement l'un des plus fructueux pèlerinages d'Aquitaine.

Adémar de Chabannes prend activement part au débat, rédige de nombreux sermons en faveur de l'apostolicité de Martial et engage en 1028 une violente discussion avec Benoît, prieur de Cluse, qui rejette avec véhémence ce qu'il considère comme une falsification grossière de la liturgie. Adémar pousse même son engagement jusqu'à rédiger des faux qui feront illusion jusqu'au XIXe siècle. Ce n'est que par lui que l'on connaît le Concile de 1031 (aujourd'hui remis en question par quelques historiens) qui officialise, en présence d'ecclésiastiques et de princes venus de toute la France, l'apostilicité de saint Martial.